Paris et sa périphérie continuent de redessiner les contours de la gastronomie et du bien-être. Si le cœur de la capitale française vibre au rythme de lieux hybrides mêlant art et haute cuisine, la campagne environnante offre une échappatoire radicale, prônant un retour aux sources orchestré par des talents venus du bout du monde. Immersion dans deux univers qui redéfinissent l’excellence, vus d’outre-Quiévrain.
Un îlot de calme au cœur du 7e arrondissement
Inauguré en 2018, Beaupassage s’est imposé comme une parenthèse inattendue dans le tissu urbain dense de la Rive Gauche. Initié par le groupe immobilier Emerige, ce projet ambitieux a transformé ce qui aurait pu n’être qu’une résidence privée classique en un passage à ciel ouvert de 10 000 m². Reliant la rue de Grenelle, la rue du Bac et le boulevard Raspail, l’endroit se définit avant tout comme un lieu de flânerie. Loin du tumulte citadin, les promeneurs déambulent entre œuvres d’art contemporain et espaces végétalisés, découvrant une concentration rare de grands noms de la gastronomie et de l’artisanat.
L’excellence culinaire à tous les étages
Au sein de cette galerie marchande d’un nouveau genre, Yannick Alléno a imaginé L’Allénothèque, un espace décloisonné qui brise les codes du restaurant traditionnel. Avec son épouse Laurence, le chef multi-étoilé propose un lieu sur trois niveaux alliant bistrot chic, galerie d’art et une impressionnante cave à vins souterraine. Cette dernière abrite près de sept cents références françaises et étrangères, invitant les visiteurs à choisir leur bouteille pour l’emporter ou la déguster sur place. La convivialité est le maître-mot, avec une cuisine ouverte sur la salle et une terrasse fort prisée dès les premiers rayons de soleil.
Non loin de là, Pierre Hermé a inauguré son tout premier café, le Salon de Gourmandises. Dans un décor signé par l’architecte Laura Gonzalez, le célèbre pâtissier propose une expérience complète. Entre les croissants Ispahan et les croque-monsieur revisités, ce boudoir moderne doté d’un grand bar central invite à une pause douceur. C’est l’endroit idéal pour déjeuner sur le pouce le matin, prendre son dîner à midi, ou simplement profiter de l’apéro en fin de journée, confirmant la vocation épicurienne du passage où se côtoient également la boulangerie de Thierry Marx, la street-food marine d’Olivier Bellin ou encore la fromagerie Barthélémy.
Mens sana in corpore sano
Beaupassage ne se contente pas de nourrir les corps, il les sculpte. Abdoulaye Fadiga, champion du monde de Muay Thaï, y a installé son concept Champion Spirit Rive Gauche. L’ambition est claire : rendre la pratique sportive de haut niveau accessible à tous. Sur plusieurs étages, l’espace déploie un ring de boxe homologué, une piste d’athlétisme et un plateau de musculation. L’approche se veut globale, intégrant un pôle médical avec des experts de l’INSEP, un sauna, et même un « coffee & muesli bar ». L’art s’y invite aussi, avec un poing monumental sculpté par Richard Orlinski trônant dans le social club.
Une renaissance agricole à Saint-Vrain
Si Beaupassage incarne le raffinement urbain, une autre révolution, plus terrienne, s’opère à quelques kilomètres de la capitale, dans le village de Saint-Vrain. C’est ici, dans l’enceinte historique d’un château du XVe siècle, que le duo de chefs australiens James Henry et Shaun Kelly a posé ses valises pour créer Le Doyenné. Récompensé par le prix de la Meilleure Table 2023 du guide Le Fooding et auréolé d’une Étoile Verte Michelin, l’établissement est bien plus qu’un restaurant : c’est un manifeste pour une gastronomie régénératrice.
Installée dans les anciennes écuries rénovées, la salle à manger vitrée offre une vue imprenable sur le potager, véritable cœur battant du projet. Ici, le circuit court n’est pas un vain mot. Les chefs cuisinent quasi exclusivement ce qu’ils produisent sur leurs six hectares : légumes, fruits, et animaux élevés sur le domaine.
L’expérience immersive du terroir
Le Doyenné pousse la logique de l’hospitalité jusqu’au bout en proposant des chambres d’hôtes épurées, incitant les convives à loger sur place pour prolonger l’expérience. Passer la nuit au domaine permet de s’imprégner du rythme des lieux, de la promenade digestive jusqu’au premier repas du lendemain composé de pains maison. James Henry souligne le chemin parcouru, notant avec satisfaction que leur cuisine est aujourd’hui une représentation fidèle de leur vision initiale.
Dans l’assiette, cette philosophie se traduit par une fraîcheur éclatante. En automne, le menu fait la part belle aux produits de la chasse et du potager : petits boudins noirs de cochons élevés sur place servis sur des chaises Thonet vintage, joues de porc confites sur tarte à l’oignon, ou encore crevettes crues enveloppées d’une feuille de capucine. Le point d’orgue reste souvent l’assiette de jeunes légumes — radis, carottes, et fines lamelles de chicon — d’une précision chirurgicale, célébrant la nature sans artifice. C’est peut-être là que se rejoignent ces deux destinations : une même exigence de qualité, qu’elle s’exprime sous les ors parisiens ou au milieu des sillons de l’Essonne.