La scène culinaire parisienne ne cesse de se réinventer, offrant aux gourmets d’outre-Quiévrain de nouvelles raisons de sauter dans le premier Thalys. Si la Ville Lumière a toujours été un carrefour de saveurs, deux adresses récentes illustrent parfaitement cette dynamique : d’un côté, une plongée radicale dans le Japon populaire au cœur de l’Odéon, et de l’autre, une renaissance gastronomique inattendue sur la paisible Île Saint-Louis. Deux salles, deux ambiances, mais une même exigence de qualité.
Kodawari Tsukiji : une illusion parfaite
Il y a environ trois ans, Jean-Baptiste Meusnier, ancien pilote de chasse reconverti, avait déjà frappé fort avec son premier Kodawari Ramen. Les files d’attente qui s’étirent encore aujourd’hui rue Mazarine témoignent de ce succès. Avec Kodawari Tsukiji, sa seconde adresse, il ne se contente pas de servir des bols fumants : il orchestre une véritable téléportation. L’objectif ? Recréer l’atmosphère du célèbre marché aux poissons de Tsukiji, fermé à Tokyo en octobre 2018 après quatre-vingt-trois ans d’activité.
Dès l’entrée, le dépaysement est total. On est accueilli par un personnel en bottes de caoutchouc, évoluant dans un décor bluffant de réalisme. Le sol, imitant l’humidité des allées de marché, donnerait presque l’impression qu’une drache vient de s’abattre sur les lieux. Caisses en polystyrène, faux poissons, coquillages et bruits de mouettes en fond sonore complètent ce tableau cinématographique. Mais ne vous y trompez pas, l’expérience n’est pas que visuelle. Récompensée par la Palme d’Or du Leaders Club France, l’enseigne propose des ramens de poissons d’une grande finesse, dont l’incontournable Kurogoma Ninniku au sésame noir, à des prix qui restent tout à fait démocratiques pour le quartier.
Cypsèle : la « bistronomie » s’invite sur l’île
À quelques kilomètres de là, l’ambiance change du tout au tout. L’Île Saint-Louis, souvent perçue comme un quartier résidentiel figé dans le temps, connaît un nouveau souffle. C’est ici, dans une ancienne pharmacie rénovée avec soin, que le chef polonais Marcin Król a posé ses valises pour ouvrir Cypsèle. Le lieu, qui conserve ses boiseries du XVIIe siècle tout en intégrant des touches modernes comme des sols en mosaïque, incarne le renouveau de ce quartier historique, dynamisé par la réouverture toute proche de Notre-Dame.
Passé par les cuisines exigeantes du Noma à Copenhague et du Chateaubriand à Paris, Marcin Król propose une cuisine d’auteur qui ne saurait laisser indifférent. Loin des cartes figées, le chef élabore ses menus au jour le jour, en fonction des arrivages de ses quatorze producteurs fétiches. On y déguste un pain au riz rouge de Camargue ou des agrumes cultivés au Portugal, le tout orchestré dans un menu dégustation en sept services pour le souper (145 €), ou une version plus légère en quatre services pour le lunch (85 €).
Un pari audacieux mais réussi
L’installation de Cypsèle sur l’Île Saint-Louis marque une évolution intéressante. Jusqu’ici, ce type de gastronomie décontractée et pointue était l’apanage de l’est parisien. Voir débarquer cette « bistronomie » dans un quartier aussi institutionnel prouve que les lignes bougent.
Hervé Lethielleux, propriétaire de la cave à vins L’Étiquette située juste en face, se souvient qu’on le traitait de fou lors de son ouverture en 2012. Aujourd’hui, les habitués n’hésitent plus à marier les huîtres de l’écailler voisin avec ses vins naturels. Avec Cypsèle, Marcin Król confirme cette tendance : Paris décloisonne ses quartiers, offrant aux visiteurs belges, qu’ils soient en quête de l’effervescence d’un marché nippon ou de la finesse d’une table d’auteur, une richesse culinaire toujours plus surprenante.